Depuis les premières sociétés organisées, l’impôt, sous ses différentes formes, a toujours occupé une place centrale dans la structuration de la relation entre les pouvoirs publics et les citoyens. Dans les civilisations anciennes, l’impôt s’inscrivait principalement comme une obligation sacrée, destinée à financer les infrastructures, les guerres ou encore les rites religieux, de manière souvent coercitive.
Avec l’émergence des États modernes et des démocraties, cette relation a évolué, au fil du temps, donnant naissance à la notion moderne de consentement à l’impôt. Le consentement à l’impôt est devenu un pilier de la légitimité fiscale. Les différentes révolutions fiscales des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, marquées par les contestations et les revendications du « no taxation without representation », illustrent les tensions historiques entre la nécessité de collecter des ressources publiques et la demande des citoyens d’être associés aux décisions fiscales. Cet équilibre fragile entre consentement et contestation continue de structurer les relations fiscales contemporaines.
Les théories modernes de l’impôt offrent une grille de lecture riche et diversifiée pour comprendre les enjeux contemporains de la fiscalité. Qu’il s’agisse de financer les politiques publiques, de favoriser la croissance, de réduire les inégalités, ou encore de répondre aux défis de la mondialisation, elles fournissent des outils essentiels pour concevoir des systèmes fiscaux à la fois efficaces, équitables et adaptés aux réalités du XXIᵉ siècle.
Les théories modernes de l’impôt s’articulent autour de plusieurs axes : l’efficacité économique, la justice sociale, la croissance, et la gouvernance.
- Les théories de l’efficience économique s’intéressent à la manière dont l’impôt influence les comportements économiques, la répartition des ressources et la productivité globale (théorie de Laffer, théorie de la taxation optimale, théorie des incitations …) ;
- Les théories de la justice fiscale s’intéressent à la répartition équitable de la charge fiscale en fonction de la capacité de payer des contribuables et des bénéfices qu’ils retirent des services publics (théorie de la capacité contributive, théorie de l’égalitarisme fiscal …) ;
- Les théories de l’impôt et de la croissance économique explorent l’interaction entre la fiscalité et le développement économique (théories néoclassiques, modèles de croissance endogène …) ;
- Les théories de l’impôt comme régulateur social et environnemental (théorie de la fiscalité incitative , fiscalité verte et transition énergétique, fiscalité comportementale …)
- Les théories de la gouvernance et de la redevabilité qui analysent le rôle de l’impôt dans la relation entre l’État et les citoyens (théorie du contrat fiscal, théorie de l’acceptabilité fiscale, théories institutionnelles) ;
- Les théories internationales et fiscalité globale qui abordent les défis posés par les flux transnationaux de capitaux et de revenus (théorie de l’érosion de la base fiscale et transfert des bénéfices (BEPS), fiscalité internationale et compétitivité, taxation des géants du numérique).
De nos jours, l’impôt constitue un levier central pour la gouvernance économique, sociale et environnementale. Elle reflète les priorités d’un État, tout en jouant un rôle déterminant dans la redistribution des richesses, le financement des politiques publiques et la régulation des activités économiques. Cependant, dans un monde en mutation rapide, marqué par des défis globaux, tels que la digitalisation, la compétitivité internationale, et les impératifs de durabilité, les systèmes fiscaux doivent évoluer pour rester adaptés, justes et efficaces.
Dans les économies modernes, l’impôt est perçu, au-delà de sa fonction première de financement des dépenses publiques, comme un puissant outil de redistribution des richesses, d’incitation économique et de régulation sociale. Les travaux de Keynes ont mis en lumière son rôle contra-cyclique, tandis que les analyses de Laffer soulignent les effets pervers d’une fiscalité excessive sur la croissance et la compétitivité économique. De plus, les modèles contemporains insistent sur l’importance d’un système fiscal équitable et transparent pour renforcer la confiance entre les administrations fiscales et les contribuables.
Cependant, malgré leurs avancées, les systèmes fiscaux modernes sont confrontés à de nouveaux défis :
‑ Globalisation et compétitivité : Dans un contexte de concurrence fiscale internationale, les États doivent trouver un équilibre entre attirer les investissements et préserver leurs recettes publiques.
‑ Numérisation et automatisation : L’introduction des technologies numériques transforme les systèmes fiscaux, améliorant leur efficacité tout en posant des questions sécuritaires et éthiques.
‑ Fiscalité et durabilité : L’impôt devient un outil clé pour orienter les comportements économiques et promouvoir un développement durable, notamment à travers les taxes environnementales.
‑ Redevabilité et relation administration-contribuable : La montée des attentes citoyennes en matière de transparence et de justice fiscale oblige les administrations à revoir leurs modes de gouvernance et leurs interactions avec les contribuables.
Ce colloque, sous le thème « L’impôt entre mutations du système et logiques des acteurs », se veut une plateforme d’échange entre chercheurs, experts et décideurs pour discuter des grandes problématiques fiscales au Maroc et dans le monde.
En abordant les mutations du système fiscal et les logiques des acteurs, il propose d’explorer ces enjeux sous un angle théorique et pratique. Il s’agit de rassembler experts et professionnels pour examiner les défis et opportunités liés à la transformation des systèmes fiscaux, en s’appuyant sur l’analyse des théories économiques et sur les pratiques de terrain.
Ainsi, les discussions s’articuleront notamment autour des questions suivantes :
‑ Comment réactiver le consentement à l’impôt et renforcer la confiance entre l’administration et les contribuables et renforcer l’adhésion des citoyens à l’impôt dans un contexte de défiance croissante ?
‑ Quels sont les nouveaux défis des systèmes fiscaux, notamment en termes de numérisation, de pression fiscale et de compétitivité ?
‑ Quels leviers permettent de moderniser les systèmes fiscaux pour répondre aux impératifs de compétitivité ?
‑ Comment aligner les politiques fiscales sur les objectifs de développement durable et de justice sociale ?
Ces interrogations sont au cœur des débats actuels sur la fiscalité. À travers ces problématiques, le colloque ambitionne de proposer des pistes concrètes pour concevoir une fiscalité moderne, équitable et adaptée aux enjeux du XXIᵉ siècle.
Axes de réflexion
1. Réactiver le consentement à l’impôt
‑ La fiscalité comme outil de cohésion sociale : perception et acceptation de l’impôt.
‑ Littératie fiscale et consentement à l’impôt.
‑ Transparence et redevabilité de l’administration fiscale.
2. Nouveaux défis des systèmes fiscaux
‑ Mondialisation, compétitivité fiscale et lutte contre l’évasion fiscale.
‑ Impact des normes internationales sur la fiscalité marocaine.
‑ Stratégies des entreprises multinationales et réponse des administrations fiscales.
3. Numérisation et gouvernance fiscale
‑ Avancées technologiques : systèmes d’information fiscale et dématérialisation des procédures.
‑ Nouvelles technologies, optimisation des recettes et réduction de l’évasion fiscale.
‑ Évaluation des impacts des outils numériques sur l’optimisation fiscale.
‑ Nouvelles technologies et réduction des risques fiscaux.
4. Pression fiscale et régimes dérogatoires
‑ Pression fiscale et pressions fiscales comparées.
‑ Défis liés à l’équilibre entre compétitivité et équité fiscale.
‑ Régimes fiscaux spécifiques : analyse de pertinence et d’impact.
5. Politique fiscale et développement durable
‑ Fiscalité verte et transition énergétique : leviers pour un développement durable.
‑ Mobilisation du potentiel fiscal des territoires pour financer les objectifs de durabilité.
‑ Fiscalité locale comme levier de développement territorial.
6. Relation administration-contribuable
‑ Rôle de l’administration fiscale dans la promotion d’un civisme fiscal.
‑ Simplification et renforcement de la confiance mutuelle et des démarches fiscales.
‑ Gestion des comportements délinquants et lutte contre la fraude fiscale.
‑ Contrôle fiscal : pratiques et performances
7. Fiscalité douanière et commerce international
‑ Rôle stratégique de la fiscalité douanière dans la compétitivité économique.
‑ Régimes Economiques en douane et développement des secteurs exportateurs.
‑ Fiscalité des groupes internationaux et problématique du prix de transfert.
8. Fiscalité comparée
- Comparaison des méthodes de taxation du revenu, de la consommation et du patrimoine.
- Concurrence fiscale dommageable.